« Nous venons au monde avec une grandeur,
une plénitude, une surabondance. »
Luis Ansa
Le
recours à la sensation et à l’éveil sensitif du corps est fréquent dans la
plupart des voies spirituelles — que ce soit dans l'hindouisme, dans l'hermétisme chrétien ou dans les différents chamanismes qui existent — mais Luis Ansa en a fait un des éléments fondamentaux
de la voie du Sentir. L’éveil de la
sensation permet ainsi d’amorcer une relation d’amour avec le corps et de pouvoir
peu à peu « s’habiter ».
« Je vais vous donner un exemple très simple de ce
qu’est la voie du sentir : en ce moment, je sens ma main. Vous pouvez
faire pareil.
Je ne pense pas ma main, je la sens. Là, c’est
binaire : je la sens ou je ne la sens pas. En cet instant, la sensation
que j’ai de ma main est beaucoup plus réelle que toutes les pensées que je peux
avoir sur elle. Vous comprenez ?
L’être que je suis ne se trouve donc pas localisé dans
mon cœur, ma rate ou mon cerveau, l’être est où il y a conscience d’être.
Et je ne fais pas cela pour obtenir quelque chose, je
le fais pour occuper mon état d’être. Parce que j’ai un être et vous aussi,
vous avez un être. Mais il se peut que votre être soit désoccupé de vous, qu’il
soit vide. Votre être est là, en vous, habitez-le ! Ne le laissez pas
vacant.
J’ai un nom, une carte d’identité, oui, mais qui occupe mon être à l’intérieur ? Qui ? Si on me dit quelque chose de désagréable, je me fâche ; si on me flatte, je gonfle comme un crapaud. Je n’existe pas, je ne suis qu’une marionnette actionnée par les impacts extérieurs. »
La voie du Sentir
est une invitation à revenir à l’être et si la sensation est un élément particulièrement
important, c’est aussi parce que la sensation nous est familière.
La sensation
n’est pas quelque chose de magique ou d’extraordinaire. Elle n’est pas un objet
extérieur qui pourrait se transmettre d’une personne à l’autre ou que l’on
pourrait acquérir. On n’a pas besoin d’être initié à « l’éveil de la
sensation » que ce soit dans une relation individuelle ou dans un groupe comme
certaines personnes essayent parfois de le faire croire. La sensation, c’est
notre propre senti. Tout le monde l’a déjà. Tout le monde peut l’expérimenter
spontanément.
C’est pour cette raison que la sensation est utilisée dans de
nombreuses voies spirituelles car elle est un point d’appui que tout le monde connaît.
En mettant notre attention sur la sensation, elle nous amène directement à la
présence. Et c’est à partir de notre présence sensitive éveillée que l’on va
pouvoir observer toutes nos identifications et tous nos conditionnements afin
de s’en libérer.
L’éveil de la sensation est une pratique constante dans la voie du Sentir, comme Luis en
témoignait.
« Je suis
dans le sentir 24 heures sur 24. Je rentre à la maison, ma femme me
parle, je suis dans le sentir. Je touche un chat, je suis dans le sentir. Je
vais me faire un œuf au plat dans la cuisine, je suis dans le sentir. Je vais
me laver, je suis dans le sentir.
C’est à partir de là que je suis inébranlable. Parce
que le sentir ne projette pas. Il ne se préoccupe de rien, réussir ou ne pas
réussir ne le concerne pas.
(…) Si je ne suis pas dans le sentir, si la sensation
n’est pas éveillée en moi, je suis en manque. Mais je suis en manque de
quoi ? En manque d’ancrage, en manque de terre.
Dans cet ancrage, je ne suis plus une marionnette parce
que dans le sentir, je ne projette pas. Ma sensation étant éveillé, je ne me
préoccupe pas de savoir si je vais réussir ou pas, le sentir se contrefout de
réussir. »
La pratique de la sensation est
discrète. Lorsque quelqu’un éveille sensitivement son corps, cela ne se
remarque pas spécialement.
C’est pour cette raison que Luis Ansa
appelait cette pratique « l’art du secret ». Parce qu’elle se fait
dans le secret de soi-même et non pas de façon ostensible.
« L’art du secret » n’a bien
sûr rien à voir avec l’idée que la voie
du Sentir devrait rester secrète ou réservée à quelques personnes
seulement. Il n’y a que la personnalité qui pourrait avoir une pareille idée.
Durant les dernières années de sa vie, Luis Ansa n’a eu de cesse de vouloir faire connaître cette voie et ses pratiques.